Viviparité et polymorphisme

Premières observations morphologiques et biologiques : viviparité et polymorphisme

Portrait anonyme de Steven Blankaart issu de Wikipedia

Steven Blankaart : philosophe et médecin hollandais également né à Middelburg (1650-1704), publia un traité d’entomologie  “Schou-Burg der Rupsen, Wormen, Maden en Vliegende Dierkens” Editeur : Jan ten Hoorn, Amsterdam, 1688.

L’apport de ce naturaliste, assez méconnu car non traduit à l’époque en français, anglais ou latin, est fondamental, car il semble le premier à avoir décrit des pucerons (qu’il appelle beesjes, en français bestioles) et à en étudier quelques éléments de biologie. Deux brefs chapitres ainsi qu’une planche de dessins traitent des pucerons ou poux (luisen) « des cerisiers et autres plantes (chp 39) et du groseillier (chp 42). Sur la planche 14 (Figure 2), sont représentés (C, D et E) des pucerons assez justement dessinés et décrits dans le texte (néanmoins il ne voit que 2 ailes aux ailés…). Il est à noter qu’il ne semblait pas disposer de microscope, mais seulement d’une forte loupe. C’est sans nul doute le premier observateur à rapporter la viviparité des pucerons (Myzus cerasi) ainsi que le fait qu’à l’inverse des vertébrés, leurs petits sortent l’arrière en premier. C’est également le premier à décrire comment un puceron mue et à indiquer qu’ils s’alimentent de la sève des plantes (sap) à l’aide de leur « trompe ». Enfin il voit juste, 7 ans avant Leeuwenhoek qui pensait que les fourmis les mangeaient, en considérant qu’ils sont tétés (uitgesogen) par ces dernières. Il signale des ailés et des aptères, mais se trompe en considérant que les ailés sont des mâles.

Figure 2 : La Planche XIV de Blankaart
Portrait de Antonie van Leeuwenhoek par by Jan Verkolje (1660-1693)

Antonie van Leeuwenhoek, microscopiste hollandais (1632-1723) a produit une œuvre considérable comportant 118 « lettres » (qu’on appellerait aujourd’hui publications) initialement écrites en néerlandais sur ses observations microscopiques, envoyées à l’Académie Royale de Londres qui les a traduites en latin et publiées (Opera Omnia, 1722).

Dans le premier volume de son œuvre (Arcana Naturae detecta) figure la lettre 90, dédiée au baron de Rhede et datée du 7 juillet 1695. Cette lettre intitulée « De contractione frondium variarum arborum » (de ce qui provoque la déformation du feuillage de divers arbres) rassemble ses observations sur les pucerons. Ces dernières ont été commentées en français par Hartsoeker, et par lui sont arrivées à la connaissance de Réaumur.
Le premier mérite de Leeuwenhoek est d’avoir produit un superbe dessin d’une larve à ptérothèques (Figure 3), probablement de Hyperomyzus lactucae, dont la qualité égale celle des dessins faits avec le matériel optique actuel (il a juste raté les rhinaries antennaires… !).

Figure 3 : Planche de la lettre 90 de Leeuwenhoek

Leeuwenhoek fait une relation claire entre la présence de pucerons et les boursouflures du feuillage des groseilliers. Il dissèque ces pucerons du groseillier ainsi que ceux d’autres espèces et met en évidence qu’ils contiennent des petits pucerons tout formés, alors qu’on ne distingue pas d’œufs. Il note également que leurs petits sont pondus vivants et fait des expériences sur la fécondité des femelles. Il note que la multiplication de ces animaux est énorme (magnus pullorum). Il confirme donc la viviparité des pucerons et constate qu’il n’a jamais vu de mâles et que tous les pucerons ont des pièces génitales femelles (mais ne va pas plus loin dans ses hypothèses…). Il décrit les mues et signale les sécrétions corniculaires. Il établit que certains pucerons « se transforment » en ailés et d’autre restent aptères, et constate que les ailés pondent aussi des larves. Il essaie d’élever des pucerons du cerisier sur des feuilles de groseillier et constate qu’il n’y arrive pas. Enfin il met en évidence des momies écloses (en hiver) et des pucerons parasités. Malgré quelques erreurs manifestes (il pense que les fourmis sont nuisibles aux pucerons et les consomment et cafouille dans son explication du parasitisme), Leeuwenhoek pose les bases de l’aphidologie en abordant par l’expérimentation les principales caractéristiques biologiques des pucerons. Il ouvre la voie à Réaumur et à Charles Bonnet.

Les pucerons, objets scientifiques : l’énigme de la reproduction

La parthénogenèse a enfin un nom

Date de modification : 11 avril 2024 | Date de création : 05 janvier 2016 | Rédaction : Charles-Antoine Dedryver, Jean-Sébastien Pierre